Les managers en colère
Si j'étais manager, je serais rouge de colère que l'on insinue systématiquement que je suis coupable de maltraitance sur les équipes, que je ne suis qu'un "chefaillon", accroché à mon pouvoir, prêt à tout pour conserver mon image, emporté par un égo surdimensionné.Si j'étais manager, je serais furieux du silence des syndicats dans l'acharnement médiatique, le buzz déraisonnable auquel je suis soumis depuis bientôt cinq ans.
Si j'étais manager, je serais triste que l'on me prête des intentions de manipulation, mesquines et égo-centrées, que l'on me juge sans valeur, immature et prêt à faire couler mon entreprise pour conserver le privilège de signer des notes de frais.
Cette caricature est infâme, délirante et purement démagogique. Vous avez du le remarquer, les "grands" penseurs, philosophes de l'entreprise, souvent libérée, prônent un changement radical de paradigme managérial. Mais dans quel but exactement ?
Si j'en crois ce sondage, 75% des français travaillant dans une PME se disent heureux et ce taux grimpe à 80% pour ceux qui sont salariés d'une TPE - et encore ce sondage IFOP pour Le Pèlerin d'avril 2016 confirmant que 75% des français sont heureux au travail. Je sais bien qu'un taux de 100% serait parfait, ceci dit, ces scores indiquent davantage une perception positive de l'entreprise par ce qui représente tout de même 80% de l'emploi en France. Je n'irai pas jusqu'à évoquer le bonheur au travail, concept me laissant très sceptique, mais si une très large majorité de mes concitoyens se dit heureuse au travail, du moins dans les PME et TPE, alors, j'ai tendance à penser que les managers des PME et des TPE, avec leurs moyens, se débrouillent plutôt formidablement bien... J'ai également tendance à penser que l'on (par on, entendre tous ceux qui conspuent le management) nous entretient dans une vision sombre et réductrice de notre santé au travail. Dans quel but ? Peut-être vendre un maximum d'heures de consulting aux entreprises...
Il est dit, dans la "philosophie" de l'entreprise libérée, que le manager, ce "scribe de l'Egypte Antique", doit évoluer, apprendre à soutenir les équipes et n'intervenir qu'en cas de blocage... Mais entre nous, ne croyez-vous pas que le manager d'aujourd'hui vit déjà cette expérience ?
Le manager n'est pas celui qui sait, il est celui qui écoute, recueille, compare, gère, pèse les conséquences, consulte, décide parfois seul, parfois accompagné, mais toujours en responsabilité, et cette responsabilité implique le respect inconditionnel de ceux qui l'entourent mais également des parties prenantes de l'entreprise.
La peur du changement, vraiment ?
Le middle-management n'a plus la cote, chez les consultants en agilité... et coaches en tout cas (souvent non certifiés, cela va de soi). Il convient, ces "middle managers" de les "écarter" du système, de les "rééduquer" en leur faisant accepter un changement grotesque, de leur attribuer de nouvelles fonctions, de les accompagner au changement, que dis-je dans la gestion de leur peur du changement... Mais pourquoi les consultants défendent-ils à ce point ce modèle ?Parce qu'ils auraient compris quelque chose qui échappe aux managers engagés ?
Parce que ces consultants détiendraient la clé du développement de l'entreprise, de la performance économique, du maintien de l'emploi ou mieux encore de la création de postes ?
Au nom de quoi, devrions-nous recevoir à longueur de temps, des leçons de morale, de posture, d'angélisme par tous ces consultants prônant, d'une certaine façon, l'élimination des lignes managériales dans l'organisation des PME ?
80% des français se disent heureux au travail, dans les PME et TPE... et il faudrait tout révolutionner ? Encore une fois, je ne dis pas que tout est parfait, il existe de nombreux cas de maltraitance et de souffrance au travail mais pour autant, s'avère t'il nécessaire de casser du manager à ce point ? L'humilier, le désigner comme bouc-émissaire d'un mal qui ne semble pas aussi évident que cela ? Au fond, n'est-il pas pratique d'évincer les managers pour, éventuellement, prendre leurs places en tant que consultant dans l'entreprise ?
Ce que j'écris ici, n'est pas un exercice de réflexion, tout cela est issu de mes observations, d'heures de discussions avec ces hommes et ces femmes qui souffrent de l'image obscène que répandent bon nombre d'articles ou de billets de blog, mais également de ma propre expérience, celle d'un ex-manager d'une entreprise dite libérée devenu coach emploi (et oui, cela ne s'invente pas ! ) qui a amèrement constaté que le discours angélique de sa direction générale et des consultants qui l'accompagnaient, n'avait strictement et malheureusement rien à voir avec la réalité de mon quotidien.
Je remercie François Geuze (l'entreprise libérée, entre communication et imposture) et Vincent Berthelot (l'entreprise libérée : entre utopie, calcul et imposture) d'avoir abordé courageusement le thème de l'entreprise libérée sous un jour correspondant en tout point à mon expérience de terrain.
Lire aussi :
- Un point de vue très personnel sur la notion de bonheur au travail
- Le drame de l'entreprise narcissique
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