Quelle est la place des introvertis (30 à 50% d'entre nous) dans l'intelligence collective et le collaboratif à tout crin ? C'est une question que je me pose souvent, tant l'exercice collaboratif semble devenir la solution miracle au bien-être en entreprise et au règlement de situations complexes. Notre monde est collectif et si vous n'adhérez pas au système gare à vous...
Selon certains, rien ne remplace la force d'un élan collectif, 1 + 1 = 3, l'échange, la mise en commun, la transparence, le décloisonnement, la responsabilisation par l'environnement et l'écosystème, la quasi immédiateté des traitements de réponses, l'open space, l'intranet, les CRM, les discussions instantanées sur messagerie, les groupes de discussion... tout cela abolit les distances entre collaborateurs, entre eux d'abord, mais aussi dans leur propre sphère intime, diluant confusément les barrières entre vie personnelle et professionnelle.
Ce monde rapide, foisonnant, ultra stimulant, excité, bruyant parfois, cette mise à plat systématique et exposition à ses pairs convient à de nombreuses personnes, c'est du moins ce qu'elles prétendent, tant il est admis que la collaboration et le collectif sont des valeurs humaines, généreuses non égo-centrées.
Se revendiquer solitaire, introverti, silencieux, timide, est devenu la tare professionnelle : "quoi, tu ne te reconnais pas dans l'intelligence du groupe ?". Je mets en garde contre l'overdose de collaboratif, contre ces travaux de groupe, cette exposition permanente qui éloigne de toute introspection, de toute authenticité aussi ou intégrité... Regardez bien autour de vous, peut-être en vous aussi : où sont passés les introvertis ? Personne n'ose aujourd'hui remettre en cause la force du collectif, les contradicteurs du "dogme pluriel" ont disparu, s'inclinant devant la loi du nombre ou du plus fort.
Responsabiliser chacun au travers de l'engagement collectif est une erreur, une démagogie réduisant au silence tous ceux qui n'adhèrent pas au fonctionnement collectif et souhaite appartenir au groupe ou - au moins - ne pas en être rejeté... Avez-vous remarqué comme ce sont toujours les mêmes qui animent ou donnent leur avis ? Quelle est la place des autres ?
Ne trouvez-vous pas qu'il existe un paradoxe incroyable entre deux phénomènes fort présents en entreprises : l'émergence du leadership dans la conduite de projets d'un côté et l'animation collective de ces mêmes groupes de projets...? Comment se fait-il que ces deux grandes tendances cohabitent en premières pages dans tous les catalogues de coaching et de formation de la terre ? Peut-être parce que certains abandonnent leur nature introvertie de peur d'être éjectés par le dogme collectif.
Quelle place laissent nos entreprises "libérées" aux solitaires et introvertis ? C'est une vraie question que je pose, car je suis intimement convaincu que les systèmes de gouvernance collégiaux se privent totalement de la force et de l'intelligence de ceux qui donnent le meilleur d'eux-mêmes dans l'analyse silencieuse, concentrée, dans la réflexion et le calme, dans l'esprit solitaire qui lui, ne répond en aucune manière ni aux pressions hiérarchiques, aux pressions des pairs, ni à la loi du nombre.
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