Le plaisir retrouvé de se lever chaque matin... Coach Emploi


IF - Rudyard Kipling


Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tous jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.

Traduction par André Maurois de :


If you can keep your head when all about you 
Are losing theirs and blaming it on you, 
If you can trust yourself when all men doubt you. 
But make allowance for their doubting too; 
If you can wait and not be tired by waiting. 
Or being lied about, don’t deal in lies, 
Or being hated, don’t give way to hating, 
And yet don’t look too good, nor talk too wise: 

If you can dream —and not make dreams your master 
If you can think —and not make thoughts your aim 
If you can meet Triumph and Disaster 
And treat those two impostors just the same; 
If you can bear to hear the truth you’ve spoken 
Twisted by knaves to make a trap for fools. 
Or watch the things you gave your life to broken, 
And stoop and build’em up with worn-out tools: 

If you can make one heap of all your winnings 
And risk it on one turn of pitch-and-toss, 
And lose, and start again at your beginnings 
And never breathe a word about your loss; 
If you can force your heart and nerve and sinew 
To serve your turn long after they are gone, 
And so hold on when there is nothing in you 
Except the Will which says to them: “Hold on!” 

If you can talk with crowds and keep your virtue, 
Or walk with Kings —nor lose the common touch, 
If neither foes nor loving friends can hurt you, 
If all men count with you, but none too much; 
If you can fill the unforgiving minute, 
With sixty seconds’ worth of distance run. 
Yours is the Earth and everything that’s in it, 
And —which is more— you’ll be a Man, my son! 

2 commentaires:

  1. Jean09:21

    ouch ! Pierre, ce poème ici, dans ce blog charmant détonne et me peine. Je ne vous en veux pas sachant combien ce poème est universellement apprécié. J'ai comme vous admiré ce poème et puis, avec le temps, j'ai pris mes distances. Je vous encourage à revoir ce poème avec d'autres yeux que ceux de l'admiration. Vous y verrez peut être toute sa noirceur paradoxale qu'il recèle.
    En effet, qui sera un homme à l'issue de ce poème ? qui sera à la hauteur de ces folles exigences ? Personne assurément ; c'est bien le constat de l'impossibilité des préceptes de l'ère victorienne qui s'affiche dans ce poème. Kipling, né au beau milieu de l'empire colonial anglais, en Inde, a tout fait pour que son fils entre dans l'armée et épouse ses valeurs ; pour être un homme.
    Quelques années plus tard, la guerre mondiale ravagera l'Europe, et Kipling verra son fils mourir.
    Il écrira alors au lendemain du drame : "If any question why we died/ Tell them, because our fathers lied"

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    1. Merci Jean pour cet éclairage, merci infiniment, votre message nous apporte beaucoup.
      Bonne journée
      Pierre

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