Le plaisir retrouvé de se lever chaque matin... Coach Emploi


Le drame de l'entreprise narcissique

Je rencontre parfois des entreprises exaltantes... Une énergie folle se dégage de son personnel, de leurs initiatives, de leur comportement, une satisfaction permanente qui s'apparenterait, de loin, au bonheur absolu. 
Pourtant, j'y vois de temps en temps l'émergence d'un cynisme "positif", positif par sa forme et malheureusement pas par son fond, qui rejette toute idée contraire au dogme, à la vision collective. Cela pourrait s'apparenter à de l'autosatisfaction permanente, une foire aux bonnes nouvelles et aux initiatives qui confortent les décisions, les options, la voie à suivre dans laquelle tous les acteurs de l'entreprise sont priés de s'engager - librement bien sûr. Un peu comme si l'on passait au filtre rose l'ensemble des éléments qui constituent le socle décisionnaire de l'entreprise. 

Narcisse - Paul Dubois

A ce petit jeu, je connais un grand nombre de personnes qui se fatiguent... après avoir culpabilisé à l'idée de remettre (secrètement) en question les décisions stratégiques portées par la collectivité. L'aveuglement narcissique de certaines entreprises et de ceux qui les représentent (à tous les niveaux bien sûr) mène à l'endoctrinement, à la mise en avant systématique de stratégies dont le seul but est de révéler la qualité et le talent de cette même entreprise. 

L'image de cette dernière l'emporte au niveau collectif, davantage que sur sa réussite réelle. Je constate de plus en plus souvent, en écoutant certaines conférences d'entrepreneurs, en parcourant les pages d'accueil de certaines entreprises, le décalage entre la réalité du terrain et le discours porté et défendu par l'ensemble des acteurs de l'entreprise qu'ils représentent. 
De petites distorsions, des compromis avec la vérité, de petits arrangements qui déforment la réalité et encouragent de façon subtile ses ambassadeurs (ses employés) à participer au mensonge collectif alors que dans le même temps, elle revendique la mise en avant de valeurs telles que l'honnêteté, le courage, la confiance, la transparence... A l'image de certains de nos parlementaires défendant la rigueur fiscale, l'effort collectif et dont, tout le monde dans leur entourage, connait le comportement déviant. Il y a là plus qu'une dérive, un comportement dangereux et douloureux pour tous ceux qui participent de près ou de loin à son exaltation. 

La réalité du terrain, ce sont des résultats qui mettent en péril l'existence même de l'entreprise, des résultats que chacun, à son poste, à sa mesure, perçoit comme sombres, des résultats rarement exprimés - ou souvent trop tard - qui méritent de revenir à la raison.

Dans l'entreprise aveuglée par ses objectifs irréalistes, forcément très ambitieux, aveuglée par sa "Mission" que d'autres appellent la vision (Changer le monde, libérer les esprits, rendre heureux, etc, etc...), chacun contribue - à sa façon - à entretenir l'illusion, celle de toute une entreprise qui refoule les difficultés et paradoxes internes ou sociétaux. Beaucoup ferment les yeux sur leurs valeurs personnelles, entretiennent le "délire" pour éviter le rejet par un collectif dominant, la mise à l'écart systématique. 

Observez autour de vous, peut-être travaillez-vous pour ce genre d'entreprise, une entreprise qui met en avant ses valeurs collectives et humaines et dont chaque jour, vous constatez amèrement l'écart entre la réalité et le discours... 
La force affichée et mise en avant de certains groupes, entreprises, start ups, dirigeants, révèle au contraire une extrême vulnérabilité qu'un peu de responsabilité, de tempérance et de discrétion, d'encouragement interne à émettre une opinion, de capacité à faire machine arrière et de moins répondre aux sirènes de la vanité, permettront sans doute d'atténuer en regroupant toutes les idées et bonnes volontés, quelles qu'elles soient.

Quelle place les entreprises laissent-elles aux introvertis ?

Quelle est la place des introvertis (30 à 50% d'entre nous) dans l'intelligence collective et le collaboratif à tout crin ? C'est une question que je me pose souvent, tant l'exercice collaboratif semble devenir la solution miracle au bien-être en entreprise et au règlement de situations complexes. Notre monde est collectif et si vous n'adhérez pas au système gare à vous...

Selon certains, rien ne remplace la force d'un élan collectif, 1 + 1 = 3, l'échange, la mise en commun, la transparence, le décloisonnement, la responsabilisation par l'environnement et l'écosystème, la quasi immédiateté des traitements de réponses, l'open space, l'intranet, les CRM, les discussions instantanées sur messagerie, les groupes de discussion... tout cela abolit les distances entre collaborateurs, entre eux d'abord, mais aussi dans leur propre sphère intime, diluant confusément les barrières entre vie personnelle et professionnelle. 
Ce monde rapide, foisonnant, ultra stimulant, excité, bruyant parfois, cette mise à plat systématique et exposition à ses pairs convient à de nombreuses personnes, c'est du moins ce qu'elles prétendent, tant il est admis que la collaboration et le collectif sont des valeurs humaines, généreuses non égo-centrées. 


Se revendiquer solitaire, introverti, silencieux, timide, est devenu la tare professionnelle : "quoi, tu ne te reconnais pas dans l'intelligence du groupe ?". Je mets en garde contre l'overdose de collaboratif, contre ces travaux de groupe, cette exposition permanente qui éloigne de toute introspection, de toute authenticité aussi ou intégrité... Regardez bien autour de vous, peut-être en vous aussi : où sont passés les introvertis ? Personne n'ose aujourd'hui remettre en cause la force du collectif, les contradicteurs du "dogme pluriel" ont disparu, s'inclinant devant la loi du nombre ou du plus fort. 
Responsabiliser chacun au travers de l'engagement collectif est une erreur, une démagogie réduisant au silence tous ceux qui n'adhèrent pas au fonctionnement collectif et souhaite appartenir au groupe ou - au moins - ne pas en être rejeté... Avez-vous remarqué comme ce sont toujours les mêmes qui animent ou donnent leur avis ? Quelle est la place des autres ? 

Ne trouvez-vous pas qu'il existe un paradoxe incroyable entre deux phénomènes fort présents en entreprises : l'émergence du leadership dans la conduite de projets d'un côté et l'animation collective de ces mêmes groupes de projets...? Comment se fait-il que ces deux grandes tendances cohabitent en premières pages dans tous les catalogues de coaching et de formation de la terre ? Peut-être parce que certains abandonnent leur nature introvertie de peur d'être éjectés par le dogme collectif.

Quelle place laissent nos entreprises "libérées" aux solitaires et introvertis ? C'est une vraie question que je pose, car je suis intimement convaincu que les systèmes de gouvernance collégiaux se privent totalement de la force et de l'intelligence de ceux qui donnent le meilleur d'eux-mêmes dans l'analyse silencieuse, concentrée, dans la réflexion et le calme, dans l'esprit solitaire qui lui, ne répond en aucune manière ni aux pressions hiérarchiques, aux pressions des pairs, ni à la loi du nombre.

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Conflit relationnel : et si vous faisiez le premier pas?


"Quand mon collègue se décidera à être plus sympathique avec moi, alors j'arrêterai de lui faire la tête" Non mais dès fois ! Vous l'aurez remarqué, j'aurais pu prendre un exemple issu de nos vies personnelles, avec notre mari, notre épouse, nos parents, nos proches... Vous savez ce genre de relation qui fait bien souffrir parce que l'on attend que l'autre fasse le premier pas pour nous libérer du poids d'une relation tendue...

Ce genre de phrase que nous connaissons tous a l'immense faiblesse de laisser l'autre déterminer de notre état, nous rendant totalement dépendant de son humeur, de son comportement... Comme libre arbitre, il y a mieux, vous ne croyez pas ? 
J'ai une question pour vous, et si, faire le premier pas, vous permettait aussi de vous sentir bien ? Et si la générosité de votre comportement, outre l'effet qu'il aurait sur ce fameux collègue, avait également des vertus fantastiques sur votre propre bien-être... Bonne question n'est-ce pas ?

Savoir faire le premier pas
Gilbert Garcin - Les premiers pas - 2003

Ne vous arrive t-il pas de vous réjouir de vous être bien comporté, d'avoir donné quelque chose, de l'argent, de l'attention, du temps, de la façon la plus désintéressée qui soit, comme ça, par pure bonté y compris en faveur de personnes que vous ne connaissez pas et que vous ne reverrez probablement jamais ? Avez-vous constaté comme de faire une bonne action agit également sur nous-même, comme si l'on se libérait de quelque chose, satisfait d'être, sans rien avoir en retour. Comme un soupir d'aise, pour soi. Avoir un comportement généreux pour se faire du bien, ce n'est pas si gratuit que cela me direz-vous... Et alors, au fond, pourquoi me priverais-je d'un comportement qui fait du bien à tout le monde, aux autres commet moi, qui honore mes valeurs, me fait participer, contribuer, aimer, vivre... Le pardon a des vertus bien plus durables et positives que le coup rendu. 

Bien, reprenons... Afin de ne pas dépendre du comportement de l'autre pour vous sentir bien, vous décidez de faire le premier pas. Bravo, belle générosité, bel esprit dont l'immense avantage est qu'il vous procure par la seule action personnelle que vous entreprenez de flatter votre estime personnelle. Pour autant, et vous me donnerez certainement raison, il n'est pas garanti que l'autre personne, souvenez-vous, celle dont vous attendiez le premier pas, ne soit pas exactement dans les mêmes dispositions que vous... Vous faites preuve de générosité, sincère, mais pas elle, pas l'autre : la relation, malgré votre initiative est bloquée, tendue et toujours aussi désagréable.

Le premier réflexe serait alors de revenir en arrière et d'ériger à nouveau le rideau de fer entre vous deux : un coup vous soufflez le chaud, un coup vous soufflez le froid. Pourtant, je ne peux vous inviter qu'à garder le cap sur vos sentiments et besoins, exprimez-les, évoquez vos attentes, votre demande. Avez-vous conscience que vos attentes ne se devinent pas toujours ? Votre ressenti vous appartient et personne ne peut le contester, vous êtes dans la vérité, dans votre vérité et cela créé la sincérité de votre approche. Laissez la place au temps également... la seule chose que vous maîtrisiez pleinement, c'est votre comportement, jamais la réaction de l'autre... 

Ce n'est pas toujours très simple, je le reconnais, mais rien ne vous interdit de prendre un peu de distance et de limiter les rencontres, les échanges et faire en sorte, alors,  de vous préserver d'une relation toxique à laquelle vous avez souhaité apporter une issue bienveillante.