L'un des derniers sujets à la mode est le CV et les mensonges qu'il véhicule. De l'arrangement d'un diplôme, aux dates falsifiées gommant par la même occasion une période de chômage plus ou moins longue, en passant par la maîtrise des langues étrangères, nous apprenons que trois CV sur quatre contiennent (au moins) un mensonge et que 90% des candidats déclarent arranger leur CV. Entre nous, est-ce vraiment un scoop ?
Lorsque tout le monde déclare mentir sur son CV et que quelques uns crient "au loup" sur cette tendance grandissante, je ne peux m'empêcher de penser que le mensonge trouve son origine, non pas dans la mythomanie, mais davantage dans la peur, la peur de perdre ce que l'on a ou ce que l'on vise. La peur est au centre d'une démarche de construction du CV qui vise à justifier, coûte que coûte, un parcours, un choix, des études (ou leur absence) ou tout autre mouvement dans une vie professionnelle pour obtenir une sécurité, un poste, un travail.
Aujourd'hui, le mensonge sur le CV est davantage pointé du doigt que ce qui le provoque et là, je crois que nous entrons dans une autre dimension du mensonge, non plus celui de l'arrangement individuel (celui qui nous concerne tous devant notre page blanche), mais davantage l'aveuglement absurde et destructeur d'une société qui ne s'aperçoit plus qu'elle se ment à elle même. Les mensonges ne sont pas dus à la malhonnêteté "naturelle" des candidats mais bien à une peur associée à une perte d'emploi, de revenus, de statuts, d'équilibre, de confort... Un candidat ayant menti sur son CV est d'abord un candidat qui vise à ne pas perdre un objectif, parce que la perte de cet objectif lui fait peur, peut-être est-il alors plus motivé qu'un autre qui n'aurait pas menti (je sais, j'exagère le trait) !
Tout comme vous, je n'aime pas le mensonge, la tricherie, tout comme vous, je prétends que l'honnêteté est ce qui permet de vivre un peu plus en accord avec soi-même, en changeant de regard sur nos épreuves et difficultés, nous pouvons assumer une part d'honnêteté bien plus épanouissante que le mensonge.
En revanche, ce que je condamne de toutes mes forces, ce sont ces discours moralisateurs d'entreprises se plaignant de ne plus recevoir un seul CV "non arrangé", comme si l'inquiétude générée par le climat actuel n'avait aucune incidence sur nos comportements (y compris celui des entreprises bien sûr), comme si cela ne comptait pas, comme si elles vivaient dans un monde juste, absolument honnête et transparent et que nous, pauvres humains, soyons si bas qu'il nous faille mentir. Celui qui aujourd'hui me semble le plus malhonnête est celui qui dénonce la tricherie de tous les candidats sans tenir compte du contexte.
Je ne crois pas que que les outils changeront nos pratiques et que nous cesserons subitement de mentir, en entretien, sur nos déclarations ou autres actes de candidatures. En revanche, j'estime indispensable de changer les pratiques des recruteurs (ce sera plus facile, ils sont moins nombreux !), qu'ils communiquent davantage sur l'amour de leur travail plutôt que sur les stratégies leur permettant de ne plus lire les CV, de ne plus recevoir les candidats, qu'ils cessent également de nous faire comprendre qu'ils s'ennuient à mourir en nous recevant ou bien en "analysant" nos parcours et qu'ils apprennent enfin à dénicher le meilleur, les pépites, l'exceptionnel en chacun d'entre nous plutôt que de s'intéresser à tout ce qui nous a fait trébucher, en gros, qu'ils mobilisent davantage nos motivations, envies et réussites plutôt que nos peurs.